Pour expliquer ce qui est de nouveau, il faut parler de ce qui l’a précédé, et replacer Bolin dans le contexte des années cinquante, au moment de la cristallisation de son style, moment qui a coïncidé avec le grand essor de l’abstraction lyrique en France.
Dans les salons vivants, salon de Mai, salon des Réalités nouvelles, deux grands courants se rejoignaient curieusement comme tous les amateurs ont souvent eu l’occasion de le constater. D’une part, les uns, lassés de la discipline stérilisante de la géométrie, commencèrent à insuffler une nouvelle vie à un art résolument abstrait en s’abandonnant à une liberté de plus en plus grande, à des impulsions venues de plus profond de leur être. Cette libération s’appela tour à tour « tachisme », « informel », « abstraction lyrique » et produisit des paysages mentaux, fort proches de certains paysages dramatiquement réels. D’autre part, un certain nombre d’artistes amoureux de la nature se libéraient progressivement des servitudes de la figuration pour rendre au paysage ce qui fut toujours sa vertu au cours des siècles : être le support d’un état d’âme. Il n’y a pas de contradiction entre le romantisme de Lamartine et le lyrisme de Bazaine.
Gustav Bolin se tient à l’écart de ces abandons aux orages et aux tempêtes de l’âme. Par tempérament, il est porté à l’intériorisation et à un contrôle constant de ses impulsions ; et ceci aussi bien dans les toiles plus figuratives d’hier, qu’aujourd’hui dans la plasticité intégrale.
Depuis ses premiers dessins des années quarante qui avaient retenu l’attention de Paul Valéry puis celle de Pierre Loeb, Bolin a abordé, traité et développé un certain nombre de thèmes. Il y eut les « Figuiers », les « Rochers », que ce soit ceux de Saint-Rémy-de-Provence ou d’ailleurs, il y eut des « Mers », houleuses ou calmes, il y eut aussi des nus, traités comme des paysages.