Emanuel Proweller est né en 1918 à Lwow (ancienement Lemberg), à la frontière entre la Pologne et l’Ukraine, dans une famille juive.
En 1939, à 21 ans, il expose sa toute première toile, signée Proweller – nom que la guerre et lʼantisémitisme ont vite effacé. Il continuera à peindre sous le nom dʼAnatol Wroblewski jusqu’à son passage obligé dans lʼarmée rouge en tant que peintre et musicien de troupe, où il signe quelques tableaux du nom dʼAbraham Alispector. Rescapé de la Shoah, c’est sous cette identité quʼil sʼinstalle à Paris en 1948 pour en finir avec ce double-jeu / je-double, et récupére sa personne, son « je », pour redevenir sujet : Moi, Proweller, peintre. Il peint quatre ellipses jaunes flottantes sur un fond bleu de part et dʼautre dʼun axe de symétrie : premier autoportrait.
Que cherche Proweller ? sʼinterrogeait Gabrielle Buffet-Picabia dans un article paru à lʼoccasion de la deuxième exposition personnelle de lʼartiste chez Colette Allendy en 1953. Peut-être la figure dans lʼabstraction ? Non, cʼest la couleur quʼil cherche. Cʼest dans la couleur quʼil y a de lʼespoir [...] La couleur, par chance laissée en friche, peut être vraiment vivante, explique le peintre. Peindre cʼest le départ dʼun combat pour la vie. La couleur, qui au-delà de la géométrie et de lʼabstraction en vigueur dans les années 50, annonce lʼapaisement, la contemplation, une certaine joie où la vie vaut encore dʼêtre vécue.
Proweller entre progressivement dans le vif du sujet, la figure remonte peu à peu à la surface de ses tableaux animés de bonheur : Fesses sur le banc et volubilis, Le Champ de lʼalouette, Nu renversé, Crépuscule dans la vallée, La première cigarette... Ce sont les mythologies personnelles du quotidien dʼun survivant, dʼun peintre resté vivant après la mort des siens.
Un juif polonais, nʼest pas un polonais. Il porte deux cultures en lui. Ça sʼoppose, cʼest comme une veste avec doublure, réversible, explique Proweller, on lʼinverse quand on veut.