Wagner / ARTISTE / Carole PICAVET

Un fil tendu, des directions multiples dessinaient un espace abstrait, et proposaient des circulations inhabituelles ; c’était en 1989, « prévisions par zones et évolutions » un de mes projets de scénographie aux Arts Décos.

Plus tard, au-delà de son usage technique dans mon métier, je m’approprie la ligne pour ce qu’elle est : un signe abstrait, trace d’un point en mouvement, un geste simple, le départ d’une écriture. Elle me fascine.

D’abord répétée inlassablement à main levée, comme un défi à la Opalka. L’horizontale solitaire est fragile et silencieuse. En multitude, elle bruisse de ses infimes différences, construit des formes totémiques immobiles, évoque un temps suspendu.

De cette stabilité relative, naît l’envie d’une accélération qui propulse la ligne droite dans des trajectoires différentes. Brisée dans son élan, elle devient multitude de segments qui traversent la page, se croisent, et se rencontrent suivant un protocole mathématique. Des plans éclatent ou implosent, jouent ensemble. Des noirs plus ou moins denses faits d’infinité de lignes simulent des profondeurs. Instantané d’un mouvement dans un espace sans perspective.

Cette dynamique fait sortir la ligne du plan, elle se matérialise, devient fil de fer. Avance-t-elle vers nous ou entre-t-elle dans le dessin ? Libérée du plan, la ligne offre au regard la diversité de ses inclinaisons et le tracé de ses ombres. Le dialogue entre les lignes se transforme, le croisement n’est plus forcément rencontre, les plans se devinent, souvent ouverts. Dessins suspendus dans notre espace, les lignes en équilibre, fragiles et vacillantes nous invite au dialogue…

Carole PICAVET