Adolescent, j’ai peint des toiles abstraites, et puis la vie a fait que j’ai abandonné mes pinceaux durant de longues années. Un jour, je m’y suis remis d’un coup, dans une sorte de boulimie créatrice, d’autant plus puissante qu’elle avait été longtemps empêchée. J’ai alors entrepris des centaines de portraits, sur toile ou carton, puis des silhouettes quasi abstraites,enfin une série de natures mortes, avant de revenir aux portraits.

Ces personnages que je place partout dans mon atelier représentent mon monde. Je vis en parfaite osmose avec eux. Ils défient mon regard autant que mes interrogations. Chacun me raconte une histoire, me

prend aux tripes : j’aime cette sensation, comme j’aime la chose brute, les gueules cassées à la Soutine, qui m’a influencé.

Je peins en solitaire. J’aime choisir les pigments, les malaxer, travailler l’huile et la matière comme une glaise vivante, choisir les couleurs inspirées par la nature, revenir inlassablement à la tâche, dans une insatisfaction permanente mais aussi une grisante liberté. Dans ces portraits comme dans mes autres œuvres, je peux saturer mes toiles de couleurs, occuper

tout l’espace. Je ne laisse aucun vide.

Jérôme Héran