Sophie Norman s’est intéressée à cet outil cartographique d’apparence anodine
qu’est Google Street View. Objectif et systématique, dénué de tout jugement ou
intention artistique, l’approche évoque les travaux des Becher, ces photographes
ayant documenté avec froideur et rigueur l’Allemagne post-industrielle. Cette
exhaustivité s’accompagne d’une condition étrange : le floutage des visages.
Une anonymisation qui instaure un équilibre troublant entre intimité et
absence. Les individus, inconscients ou résignés à être archivés, tentent parfois
une interaction avec le témoin mécanique. Dans sa série, Sophie Norman
recherche dans ce vaste réservoir des moments suspendus. Avec soin et
sensibilité elle extrait des scènes de la ville américaine, saturée de signes et de
codes. En intervenant sur ces images «sans intérêt», Sophie leur confère une
charge poétique et invite à redécouvrir une « inexistence ordinaire », formée
de solitude et d’humanité.